
« Faire du neuf avec du vieux », l’univers de Krazy Kat s’y prête à merveille. Après en avoir posé les fondations au début du siècle dernier, George Herriman n’a cessé d’en remanier et recycler les éléments, personnages, décors, situations, pendant une bonne trentaine d’années.
Lire Krazy Kat aujourd’hui, c’est s’immerger à nouveau dans ce bain de créativité toujours actif et voir les récits surgir d’eux-mêmes presque naturellement, permettant ainsi à l’œuvre de revivre et se perpétuer au delà de l’existence de son géniteur et de son époque.
Pour la mise en forme, c’est encore plus simple. Nul besoin de dessiner, d’essayer d’imiter la touche Herriman, chose sans doute impossible.
Les quelques histoires inédites présentées ici sont composées de dessins historiques et originaux empruntés à l’auteur, en piochant ici ou là dans son fabuleux trésor, arrivé tout récemment dans le domaine public, puis copié-collés et assemblés de manière à faire quelque chose de « ressemblant ».
J’espère être un peu arrivé à retrouver cette impression de familiarité, avec les mêmes personnages (Krazy, Ignatz et le sergent Pupp…) et les mêmes ingrédients (la bagarre, la haine, l’amour…).
La nouveauté tient surtout aux éléments d’actualité, ceux que Herriman lui-même n’a pu connaître de son vivant (l’irruption de la loi pénale dite « des trois coups », un certain Sonny Bono, etc.).
S’y ajoute aussi le plaisir, en avance sur son temps, de jouer avec les codes, de chambouler son univers de l’intérieur, de pratiquer la mise en abyme, racontant des histoires sans trop s’en laisser conter non plus.
Repu des pages du maître, le lecteur sera à même de juger du bienfondé, de la légitimité et de la justesse de cet exercice en forme d’hommage. J’espère seulement qu’il prendra autant de plaisir dans sa lecture que j’en ai eu à me glisser dans la peau de George Herriman, à coiffer un bref instant son élégant chapeau et toute la saine folie qu’il abritait.
Longue vie à Krazy Kat !
Harvey Donnuts, 2021